On n'insistera jamais assez sur la nécessite d'étudier l'œuvre littéraire surtout en elle-même. L'œuvre littéraire est sa propre signification: elle ne s'explique que par elle-même et toute critique qui cherche ii embrasser la création littéraire par tout ce qui l'entoure consiste le plus souvent en un vain effort d'identification de deux choses de natures opposées. Car l'œuvre littéraire et la réalité se situent inévitablement sur des plans différents. Ce qui peut être un lieu commun dans la réalité ne l'est pas forcément dans l'œuvre littéraire, et réciproquement. Si une phrase aussi inoffensive que "La marquise sortit à cinq heures" dans une oeuvre litteraire repugnait, comme on le dit, à Valery, c'est parce que ce grand poète confondait, lui aussi, ces deux plans foncièrement différents. Une critique qui ne se rend pas compte de cette difference et qui cherche ii expliquer une oeuvre par l'epoque, le milieu et la vie de son auteur, par exemple, risque fort d'en rester bien distante ou de n'en embrasser qu'une partie plus ou moins significative. Autant dire qu'elle reste irremediablement partielle. Mais une critique qui se donne pour tâche d'expliquer une œuvre en elle-même et par elle-même n'est pas moins partielle pour autant, si elle ne fait que s'attarder sur le message apparent de l'œuvre. Une telle critique se condamne par cela même à rester une étude des cas particuliers. C'est, par exemple, l'étude des hommes dans l'œuvre, et non pas celle de l'Homme dans cette œuvre. Et, si rigoureuse que soit la méthode qu'elle adopte, si révélatrice qu'elle soit parfois, elle n'est en somme que le simple résultat d'une lecture "de gauche à droite et de haut en bas". Or, l'œuvre littéraire est d'abord un langage: son être se confond avec celui de la parole. Et la parole, toujours unique et irremplaçable, se révèle insaisissable pour une telle lecture…

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